Sensitif
Kerri errait seul dans le couloir, à la recherche de son dortoir. Il ouvrit doucement la porte de celui-ci qui grinça et entra, ses yeux essayant de s'habituer à la pénombre.
- Ah, te voilà, cria un pensionnaire, comment va ta chérie ?
Kerri leva les yeux au ciel. Ce gars-là ne comprenait vraiment rien !
- Je te le répète, je ne suis pas amoureux d'elle.
- Ah oui ? N'importe quoi ! Tu préfères dormir avec elle, répondit le même garçon.
- Mais,commença Kerri,ce n'est pas v...
- Et en plus, dans le même lit ! hurla-t-il, ce qui déclencha une vague de rire.
- Mais, n'importe quoi ! se rebella enfin l'accusé, ce n'est pas vrai !
-Alors prouve-le, grinça un autre pensionnaire en rigolant.
Kerri qui commençait à voir dans le noir, vit tous les yeux braqués sur lui. Il se lança enfin :
- Si vous voulez, je ne l'aime pas dans ce sens. Je l'aime comme grande soeur. Nous partageons un grand secret. Et elle est toujours là pour moi et elle a été gentille de demander à la surveillante si je pouvais venir. Mais malheureusement, je n'ai pas pu,termina-t-il d'un air désolé.
Tous les enfants le regardaient avec de grands yeux. Cela donna au garçon du courage pour continuer.
- Oui, c'est vrai, reprit-il avec force et de la détermination dans le regard, elle est gentille avec moi, elle, elle me soutient. Pas comme vous quand mes parents sont morts, cracha-t-il. Et puis, de toute façon...
-De toute façon quoi ? dirent en choeur quelques enfants.
Kerri hésitait. Fallait-il leur dire qu'il était sensitif et que ses parents n'étaient pas morts, qu'il pouvait les sentir ? " Après tout, qu'est-ce que cela pourrait faire ?" songea-t-il.
- Mes parents ne sont pas morts.
- Hein ? dirent des voix avec incrédulité.
- Oui, c'est vrai, et il faut me croire, répliqua-il avec force, mais je vois que vous ne me croyez pas tous, finit-il en scrutant le petit groupe de ses yeux.
- Ce n'est pas vrai, s'écria une petite fille rousse, moi je te crois.
Il plongea son regard dans le sien tout en disant :
- C'est vrai. Grâce à mon pouvoir, je vois aussi que tu es triste pour moi. Toi par contre, dit-il en se tournant vers le garçon qui s'était moqué en premier de lui, tu ne me crois pas. Je le vois dans tes yeux. Tu ressens de la colère et...tu te moques de moi.
Voyant que tous le regardaient d'un air inquisiteur, l'accusé avoua :
- Bon d'accord. Je ne te croyais pas. Mais, comment peux-tu le savoir ? Et attends, tu as dit que tu avais un pouvoir ?
-Je suis un...sensitif, expliqua-t-il, son pied s'enroulant dans un drap qui traînait pas terre. Je peux transmettre des sentiments et aussi sentir les vôtres, expliqua-t-il avec une pointe de fierté dans la voix.
- Mais, comment peut-on en être sûr, sûr que tu ne mens pas ? demanda la fillette aux cheveux couleur feu avec méfiance.
- Oui, c'est vrai, continua l'autre garçon, mais...si tu nous le prouve, nous te croirons et nous ne t'embêterons plus pour l'histoire avec Mégane, finit-il avec un petit rire.
- D'accord, dit-il tout en réfléchissant, je peux vous transmettre des sentiments. et si j'essayais ?
Tous se mirent à s'écrier " Oh oui, essaie, s'il te plaît ! "
Alors Kerri s'assit sur un lit, serra ses poings, et fit le vide dans son esprit. Il ne garda que sa haine et tenta de s'approcher de tous les esprits qui l'entouraient. Il les "touchait" du bout de sa pensée. Il rassembla ses dernières forces tout en rassemblant sa colère et la transmit à tous, en la relâchant. Il s'arrêta enfin, sonné, de la sueur coulant le long de son échine. Un cri de joie le fit revenir au moment présent :
- Hé, ça a marché ! disait la petite rousse, je me suis sentie d'un coup fâchée !
- Moi aussi ! Moi aussi ! criaient les garçons et les filles tous excités.
Tous ces piaillements alertèrent les surveillants qui vinrent leur ordonner de se recoucher.
Dans son lit, Kerri était presque heureux, tout simplement. Car, avant de se recoucher, les pensionnaires lui avaient dit qu'ils seraient tous avec lui quoi qu'il fasse et qu'ils ne l'embêteraient plus pour l'histoire avec Még. (c'était de la part du premier garçon s'étant moqué). Il s'endormit bientôt en souriant. Il venait de se faire des amis, des amis qui étaient de son côté.
Fin